jeudi 31 janvier 2019

Trois règles de trois

Si ce n’est pas encore fait, je prévois qu’au gré des pages qui viennent, nous deviendrons des amis. C’est dans cet esprit que j’ai rédigé ce guide pratique de la parole en public, car c’est auprès d’un ami qu’on revient chercher du soutien. Permettez-moi donc de commencer par une confidence. Si j’ai choisi d’étudier le droit un jour, c’est que j’avais des difficultés en mathématiques. Et je ne suis assurément pas le seul à avoir choisi la profession juridique pour cette raison – bien que plusieurs disciples de Thémis sachent aussi manier allègrement plusieurs colonnes de chiffres à la fois, notamment leurs honoraires. Quoi qu’il en soit, même si mes compétences en mathématiques laissent à désirer, j’ai toujours tenté de résumer l’approche théorique de la parole en public à partir de trois grandes règles de trois. La première veut que lorsque nous communiquons, nous sommes perçus, vus et entendus. La deuxième stipule que la séquence dans laquelle nous devrions nous exprimer est celle-ci: «vous, je et nous». Et, selon la troisième règle, il ne faut jamais perdre de vue que notre objectif est d’informer, de convaincre mais aussi d’émouvoir notre interlocuteur. Reprenons tout cela en détail.
La première règle de trois: nous sommes perçus, vus et entendus
Que ce soit devant une seule personne ou une foule, lors d’un entretien, d’une conférence ou d’une interview avec les médias, lorsque nous nous exprimons, nous sommes perçus, vus et entendus. C’est d’abord à partir de cette réalité que notre public perçoit notre message. Plusieurs études démontrent qu’il faut très peu de temps pour se faire une idée sur une personne: sept ou huit seconde.seraient suffisantes! Le reste du temps sert à confirmer ou infirmer cette première impression.
Nous sommes perçus
Au chapitre précédent, nous parlions de perception et de non-dit. Je vous invite à le relire si des zones grises persistent dans votre compréhension de ce phénomène. Il est essentiel de bien le posséder pour améliorer votre performance de communicateur. J’aimerais également y ajouter ce dicton: «Ce que vous êtes crie si fort que je n’entends pas ce que vous dites.» Le corps est terriblement bavard. Dans un discours, il y a beaucoup plus que le texte, avons-nous dit. Plusieurs ouvrages traitent du langage non verbal et je vous y réfère car je n’ai pas l’intention d’en faire le thème central de mon propos. Toutefois, en raison de son importance, le sujet mérite que nous nous y arrêtions un peu. Nous pouvons définir le non-dit comme étant ce que notre physionomie, nos gestes, notre regard, notre posture, notre attitude révèlent de nous, souvent même à notre insu. Autrement dit, c’est toute l’information transmise à notre ou nos interlocuteurs sans la dire et souvent… sans même le vouloir. De fait, après votre intervention en public, les gens qui vous ont vu et entendu conserveront, au fil du temps, un souvenir de plus en plus vague de ce que vous avez dit, mais garderont très vivante une impression favorable ou non de votre performance. Qu’il s’agisse de nos mouvements, de l’inflexion de notre voix, de la position de notre corps, de la hauteur de notre regard, de notre attitude, de notre sourire ou même de notre toucher, tout dans notre corps peut trahir nos pensées, même secrètes. Par exemple, un menton levé donne l’impression d’une personne qui est ou se croit supérieure aux autres. Les bras croisés se lisent comme un bon indice de défiance ou de fermeture. Le buste en retrait suggère la méfiance ou la désapprobation. Sourire les dents serrées dénote de l’agressivité. Au contraire, un sourire ouvert révèle une personne contente, heureuse ou désireuse d’aider à améliorer notre niveau de confiance. Cligner des paupières fréquemment est parfois révélateur de mensonges et de duplicité Notre façon de bouger en dit également très long. Il faut éviter les gestes brusques, nerveux, inutiles, répétitifs. Il est préférable de faire des gestes lents, calmes, pour un message de puissance et d’assurance. Faites l’expérience de regarder votre bulletin de nouvelles préféré à la télévision en coupant le son. Je vous assure que, même sans entendre les paroles du lecteur, vous arriverez à comprendre une bonne partie de ce qu’il dit simplement avec les images, la réaction du présentateur, des journalistes, des personnes interviewées. Le non-dit offre des indices importants à une extrémité comme à l’autre du processus de communication. En tant qu’émetteur, si nos gestes ne sont pas en accord avec nos paroles, le message ne passera tout simplement pas. Le non-dit permet en effet de décoder les impressions et les sentiments de la personne qui parle. D’autre part, le non-dit est très éloquent pour un orateur habile à lire les réactions de son auditoire. Il s’agit d’un outil indispensable pour ajuster le discours en fonction des réactions de la salle. De fait, il faut concilier gestes et paroles pour rendre le message plus convaincant. Voici donc deux conseils, pour améliorer la perception qu’on aura de vous. D’abord, faites de votre corps le reflet de ce que vous exprimez. Qu’on le veuille ou non, la communication en public est un peu théâtrale. Nous ne pouvons défendre une position alors que notre langage corporel affirme le contraire. Je me souviendrai toujours de ce président d’une importante compagnie d’assurances venu chez nous pratiquer son discours en vue de l’assemblée prochaine des actionnaires de sa firme. Un discours épatant, rempli de promesses, qui allait faire une différence importante dans le cours des affaires de la compagnie. Hélas, il était livré sans âme, sans voix presque, dans une position quasi immobile. Bougez, ma foi! Je comprends qu’il y ait une marge entre gesticuler sans arrêt et rester immobile comme la femme de Loth, mais il est nécessaire de savoir mettre en relief un passage important du discours à l’aide d’un geste approprié posé au moment opportun. D’autre part, dégagez une impression d’énergie. Nous sommes naturellement portés vers les gens pleins d’assurance qui s’expriment

la communication

la communication
La communication est un passage obligé pour entrer en relation avec autrui. J’ai toujours comparé l’art de la parole publique à la peinture – pour laquelle, soit dit en passant, je n’ai pas grand talent. Mais je suis convaincu que si je prends le temps de comprendre, si j’apprends à maîtriser le dessin, à marier les couleurs et à manier le pinceau, j’arriverai peut-être, à force de pratique, à oublier la technique pour créer des tableaux intéressants. C’est exactement la même chose pour la parole en public. Tout le monde «sait» parler en public, comme tout le monde «sait» dessiner. Il y a toutefois des trucs et des astuces qu’il faut connaître et maîtriser si l’on veut tirer pleinement parti de chacune de ses prestations en public. Les meilleurs orateurs vous diront tous combien il est exaltant de voir l’effet qu’on arrive à provoquer sur les foules ou sur les gens lorsqu’on leur parle. C’est ce qui fait la différence entre un mauvais et un bon politicien, dont l’art consiste à convaincre les autres de la justesse de son point de vue. C’est ce qui distingue un comédien talentueux qui arrive à nous persuader du réalisme de son personnage par la justesse de son interprétation. L’art de la parole en public n’appartient pas qu’aux politiciens, aux comédiens ou à certains patrons de grandes entreprises. Même si, comme le disait le vieux sage, ce ne sont pas toujours ceux qui savent le mieux parler en public qui ont les choses les plus intéressantes à dire, nous avons tous l’obligation de devenir de meilleurs communicateurs et cela, dans notre propre intérêt. En effet, certains philosophes qui se sont penchés sur la question estiment que 85% de notre réussite dans la vie dépend de notre habileté à communiquer avec les autres. En y pensant bien, on conviendra facilement que formuler maladroitement son opinion, ne pas l’exprimer clairement, c’est un peu comme être incapable de penser. C’est presque ne pas exister

oser de parler en public

oser de parler en public
Entre ce que l’autre pense,
 Ce que l’autre veut dire,
 Ce que l’autre croit dire,
Ce que l’autre dit,
 Ce que vous voulez entendre,
 Ce que vous entendez,
Ce que vous croyez comprendre,
ce que vous voulez comprendre,
 Et ce que vous comprenez, Il y a au moins neuf possibilités pour ne pas vous entendre et ne pas être sur la même longueur d’ondes.